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mercredi 20 septembre 2017

Etre femme : une identité lésée


Là où le sexe masculin bénéficie de la place du trône dans le royaume paternel phallocentrique, nulle place pour le sexe féminin, si ce n’est en termes d’absence, de manque.

Cette image, les femmes n’ont de cesse de la mettre en avant, en recourant au paraître, à la mascarade. Faute de ne pas avoir le Phallus, il s’agit de se donner à voir à l’homme comme étant l’objet de son désir. (Lacan 1957-58)

L’identité féminine en passe par un paraître appelant au regard désirant de l’homme. Nombre de femmes pointent combien il est important pour elles d’être remarquées, regardées, quittes à user de multiples artifices : faux ongles, chirurgie esthétique, ornements divers… autant d’apparats féminins destinés à capturer le regard masculin. Il s’agit pour ces femmes de pouvoir lire dans les yeux du partenaire la flamme du désir. Sembler être le phallus, soit l’objet du désir et des fantasmes masculins, vient apposer un voile sur le mystère de l’identité féminine.




Mais, tout comme l’identité féminine ne se réduit pas à une belle image, être femme ne se résume pas à cette mascarade, ce qui viendrait à assujettir ces sujets à l’injonction imaginaire «Sois belle, et tais-toi». Les femmes le revendiquent : « je ne suis pas qu’une belle poupée, j’ai un cerveau aussi ! ».

Une femme en appelle certes au regard désirant de son partenaire, mais plus que tout, elle attend qu’il lui déclare sa flamme. Ce qui est visé par une femme, c’est avant tout une parole d’amour, car l’homme qui se déclare à sa bien-aimée met à jour son manque-à-dire sur sa partenaire, et en parlant donne ainsi à sa partenaire un supplément d’Etre.

Le sentiment d’être femme implique donc l’assomption du manque-à-dire masculin quant à l’être féminin. Dès lors, la zone d’ombre entourant l’identité féminine prend une tournure bien spécifique : si un homme ne peut tout dire d’une femme, c’est parce qu’il est dépassé par une identité féminine à jamais entourée d’une part de mystère à laquelle il n’a pas accès. La parole d’amour, avec le ratage qu’elle implique, ouvre le champ à la conception de l’être féminin et de sa jouissance comme dépassant l’ordre masculin, phallique.

A l’exemple de L’hystérique, qui ne cherche pas à devenir une femme, mais plutôt à obtenir de l’homme un savoir sur cette question sans cesse déployée. Et pour cela, elle en passe par celui qui saurait lui dire ce qu’est La Femme, la vraie, qui susciterait le désir de tout homme. Si l’hystérique s’assure une identité, c’est une identité bien plus masculine que féminine, en s’identifiant à une double figure masculine : celle de l’homme impuissant, et celle, sous-tendue de l’homme idéal, imaginaire, qui saurait dévoiler La Femme.

En fait, ce regard décevant du partenaire, l’échec de ce dernier à lui assurer un repère identitaire satisfaisant en tant que femme, occupe une fonction bien précise dans la problématique de ces sujets. Alors que l’on pourrait être tenté de le croire, nombre "d’hystériques" ne s’effondrent pas du fait de cette insatisfaction sans cesse renouvelée dans leurs relations amoureuses : c’est bien plus lorsque le partenaire les quitte, disparait et ne vient donc plus jouer avec elle à ce jeu d’échecs amoureux que tout vacille. La mise en échec du partenaire à la satisfaire assure en effet pour le sujet hystérique sa foi en une figure idéale de l’homme qui lui révélerait le secret de la féminité.

En fait, si l’on parcourt les ouvrages traitant de l’hystérie et ce, en remontant jusqu’au Moyen-Age, la question de délire et d’hallucination dans l’hystérie ne paraît aucunement nouvelle, bien au contraire. Derrière le concept de « Folie hystérique », repris et analysé par Maleval (1981) gît l’énigme de l’identité féminine.

L’identité féminine ne se laissera jamais totalement dévoiler. Que certaines femmes croient atteindre leur secret le plus enfoui au prix d’une identité finalement plus masculine que féminine, que d’autres éludent ces zones d’ombre en inventant une nouvelle forme d’identité sexuée, d’un troisième genre, toutes se heurtent inéluctablement au mystère du féminin.

Extrait de Sciences-Croisées Numéro 2-3 : L’Identité


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