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vendredi 28 novembre 2014

La Wicca à la croisée des chemins



Ainsi que j’ai pu le lire en parcourant le forum Witchwox, il semblerait que la plupart des contentieux auxquels nous sommes confrontés, et qui semblent diviser notre communauté, mettent en lumière le fait que la Wicca, cinquante ans après sa création, est aujourd’hui à un carrefour à partir duquel nous devrons tracer son avenir. Les choses ont évolué si rapidement qu’une personne telle que moi pourrait déjà être considérée par certains comme appartenant à la “vieille garde”, parce que nous avons commencé notre apprentissage au sein d’un coven avant l’arrivée d’Internet. Nous devions trouver des enseignants qui puissent nous accepter au sein de leurs groupes, nous former et nous guider au travers du processus initiatique. Et tout ceci se passait en petits groupes, dans l’intimité du domicile de nos enseignants.

Il n’y a pas si longtemps, il n’y avait pas autant de livres sur la Wicca et la sorcellerie. Aujourd’hui bien sûr, il y a le choix entre beaucoup d’auteurs, dont beaucoup de livres sont le résultat de recherches approfondies et diffusent de nouvelles perspectives sur notre histoire, nos traditions et nos méthodes, et d’autres qui semblent totalement dépourvus de faits, d’idées et de sagesse. D’un autre coté, il y a plus de choix, sans parler des milliers de sites web, qui vont du sublime au ridicule.

Sommes-nous simplement soumis à la loi de l’offre et de la demande ? Par exemple, j’avais trouvé il y a plusieurs années dans une librairie un exemplaire de La Bible des Sorcières de Janet et Stewart Farrar. Je l’ai acheté, lu et je m’y référais fréquemment. J’ai également trouvé au cours de ces années dans les rayons de librairies un exemplaire de The Grimoire (le grimoire) de Lady Sheba, Lid off the Cauldron (Recouvrir le chaudron) de Patricia Crowther, Rebirth of Witchcraft (la renaissance de la sorcellerie) et Witchcraft for Tomorrow (la sorcellerie pour demain) de Doreen Valiente, Rites from the Crystal well (les rites du puits de cristal), Grey Cat’s Deepening Witchcraft (approfondisement de la sorcellerie du chat gris), Triumph of the Moon (le triomphe de la lune) de Ronald Hutton et l’Aradia de Charles Leland.2

Aujourd’hui cependant, ces titres ne se trouvent pas souvent en librairie. Pourquoi ? Les librairies sont simplement des commerces qui font de l’argent en vendant des livres. Peut-être que ce que les librairies proposent en rayon montre avec justesse ce que les acheteurs païens/wiccans souhaitent. Je pense que ce que les clients veulent le plus est ce que vous voyez en rayon.

C’est nous, plutôt que nos détracteurs, qui avons une influence sur les articles vendus en boutique. Il est à noter qu’il y a quelques années quelques chrétiens extrémistes avaient tenté d’interdire ou de faire baisser les ventes des livres de Harry Potter, arguant qu’ils enseignaient la sorcellerie aux enfants. Bien évidemment, nous savons qu’il n’en est rien. Même les lecteurs non païens ont réalisé combien ces opposants apparaissaient absurdes et dissonants, et ironiquement, cette campagne a rallié des soutiens en faveur des livres et les livres de Harry Potter sont maintenant parmi les mieux vendus au monde. Les parents sont ravis que leurs enfants s’intéressent à la lecture, même si c’est un enfant magicien imaginaire qui suscite leur enthousiasme.

De même les campagnes de chrétiens extrémistes à l’encontre du Da Vinci Code n’ont eu aucun effet sur les ventes de ce livre. La loi de l’offre et de la demande régit le marché, et des millions de gens ont acheté et lu le Da Vinci Code, même après que les porte-parole de quelques églises se soient dressés pour dire aux gens de ne pas le faire. A la fois les livres de Harry Potter et le Da Vinci Code intéressent les lecteurs wiccans, même s’il ne s’agit pas de livres wiccans. La loi de l’offre et de la demande   explique aussi pourquoi les librairies proposent la série Les survivants de l’Apocalypse (the Left Behind) et d’autres livres qui attirent les chrétiens extrémistes. Les librairies vendent simplement des marchandises appelées livres.

Nous savons que nous suscitons l’intérêt du grand public quand des éditeurs publient des titres tels que Wicca and Witchcraft for Dummies (la Wicca et la sorcellerie pour les nuls) ou The Complete Idiot’s Guide to Wicca and Witchcraft (le guide complet de l’idiot sur la Wicca et la sorcellerie)2. Les entreprises qui produisent ces collections flairent l’argent qu’il y a à se faire sur ces titres ; ce ne sont pas des entreprises vouées à la publication de livres wiccans.

Le fait que certains d’entre nous grimacent devant ces titres et que d’autres les achètent est un des signes montrant que la Wicca est à un carrefour. Le carrefour, la croisée des chemins, concerne notre avenir en tant que mouvement.

La Wicca croissant en popularité, les portes se sont largement ouvertes, et une attitude mature reflète ce que nous sommes en réalité pour quiconque souhaite se reconnaître en tant que wiccan. Il n’y a désormais plus réellement de barrières à l’entrée. Habituellement les groupes wiccans exigeaient des gens qui souhaitaient faire partie de notre communauté qu’ils s’engagent au moins à participer régulièrement à des réunions et des rituels. Mais à présent, même cela est apparemment négociable, les gens choisissant juste de passer à des événements publics quand ils le sentent. Donc, notre vision de nous-mêmes change. Les pratiquants solitaires surpassent probablement en nombre ceux qui appartiennent à des groupes, et cela est un changement de notre monde aussi. Il n’y a pas si longtemps, les gens qui voulaient devenir wiccans se joignaient à des groupes où ils pouvaient apprendre et pratiquer avec d’autres, en personne. C’était le passé. Le changement a été stimulé par des livres populaires tels que La Wicca Vivante de Scott Cunningham. Maintenant l’augmentation du nombre de pratiquants solitaires a alimenté le désir de plus de titres qui facilitent l’apprentissage individuel à partir d’un livre.

Internet a également offert aux pratiquants solitaires la possibilité d’obtenir des informations sans faire partie d’un coven. Il y a des groupes qui ne se rassemblent que via internet et des forums de discussion, et qui utilisent la webcam pour pratiquer des rituels de groupe. Beaucoup de ces internautes constituent une part importante du public présent lors de rassemblements régionaux et d’évènements publics, parce qu’ils aspirent à des interactions avec d’autres, même si elles ne sont que très occasionnelles.

La situation difficile des magasins ésotériques/ païens/new age/wiccans est reliée à un développement important. Aussi récemment qu’au début des années 90 il n’y avait dans ma zone urbaine des Etats Unis qu’un Border et qu’un Barnes & Nobles3. Il y avait une poignée de librairies indépendantes qui avaient en stock des collections complètes d’ouvrages païens, wiccans et métaphysiques, un grand choix de jeux de tarots, calices, pentacles, bougies, huiles et autres choses que nous utilisons. Ces boutiques procuraient aussi un espace de rencontre pour des groupes wiccans et païens, ainsi que de discrètes références aux personnes en recherche. Lors de la dernière décennie, ces deux chaînes de magasin ont mené une expansion agressive et effrénée, de telle manière qu’à présent chaque centre commercial héberge un magasin de ces enseignes, voire des deux, alors que plusieurs de ces petites mais formidables boutiques disparaissaient.

Pourquoi ? Beaucoup de wiccans et de païens ont commencé à effectuer leurs achats dans les chaînes de magasins ou sur internet.

J’ai longtemps maintenu que nous, wiccans et païens, devions maintenir les boutiquiers indépendants viables, car ils nous rendaient service bien avant que les chaînes de magasins s’intéressent à nous. Nos livres n’ont jamais représenté plus qu’une petite fraction de l’offre des chaînes, alors qu’ils étaient au coeur de l’offre des boutiques indépendantes. Il n’y a pas si longtemps, ces marchands indépendants constituaient une part importante du lien communautaire. Aujourd’hui, avec l’émergence du web, ils ont un rôle bien plus restreint. Moi aussi, j’effectue parfois des achats en ligne, mais j’aime également me rendre dans une vraie boutique entre des vrais murs, où les autres clients ont le même état d’esprit, et où les employés savent de quoi vous parlez quand vous recherchez quelque chose d’un peu inhabituel. Si vous achetez en ligne, essayez de soutenir les marchands païens indépendants.

Je pense que toute cette évolution sous-tend les prémices de débats à propos de la pertinence de construire des édifices, de s’impliquer dans les refuges pour sans abris et les soupes populaires, de la contradiction du terme wiccan-chrétien, ou si les livres de Wicca doivent être adaptés et réécrits pour les adolescents. La ligne de fracture semble être que les gens qui ont été formés dans de petits covens locaux vont largement continuer à pratiquer de la sorte, alors que ceux qui sont venus à la Wicca en   solitaires, qui achètent et communiquent en ligne, vont largement continuer à s’abstenir de rejoindre de tels groupes, bien qu’une minorité cherchera à s’affilier dans de petits covens. Il me semble que les groupes fluctuants d’électrons libres qui aiment se réunir juste pour célébrer certains sabbats sont plus favorables au fait d’avoir des lieux où se rendre en ces occasions, tandis que les covens locaux ne laisseront jamais leurs portes ouvertes à quiconque souhaite y faire un tour.

L’avenir de la Wicca, comme de n’importe quelle autre religion dépend du fait d’intégrer de nouveaux arrivants à la communauté. Nous semblons avoir deux niveaux de croissance et de développement, avec une communauté étendue qui visite les sites internet, assiste à des rassemblements et des évènements publics, et une communauté plus restreinte qui travaille dans de petits groupes à domicile; mais nous tissons tous des liens hors de nos zones de confort habituelles à l’occasion. Nous sommes à la croisée des chemins car si au début nous n’avions qu’un modèle de petit groupe, la technologie et la popularité se sont combinées pour offrir des modèles au format plus étendu et plus ouvert.

Les gens peuvent apprendre, mûrir, développer des liens d’amitié et de travail à travers chacune des deux approches, bien qu’un groupe plus ancien ait un niveau de confort différent du groupe récent, avec des concepts de fondement de la communauté différents. C’est une chose de travailler avec un petit groupe pendant un long laps de temps et de développer des relations, cela en est une autre, complètement différente, d’héberger un évènement public et de gérer quiconque se présente. J’ai fait les deux et j’ai des sentiments mitigés à propos de ce qui est le mieux.

D’un coté, quand vous avez un petit groupe dont les membres travaillent bien ensemble, même s’ils ne sont qu’une demi-douzaine, des liens étroits peuvent se tisser et les rituels peuvent être intenses. D’un autre coté, quand vous organisez un grand rituel public et que près d’une centaine de personnes y assistent, même si vous ne connaissez pas personnellement la plupart d’entre eux, beaucoup d’énergie et d’atmosphère festive peuvent se dégager. Cela peut être une sensation formidable. Maintenant j’ai choisi de travailler au sein d’un petit groupe local, parce que j’aime la continuité du travail avec des personnes et de pouvoir observer leur évolution; mais j’affectionne la cérémonie à grand spectacle des grands événements et j’y assiste de temps en temps.

La Wicca a besoin des deux approches pour continuer à croître. Nous n’avons pas à choisir entre les deux. Je pense que nous sommes certains de continuer à avoir des différences d’opinion. Nous sommes une communauté si variée que je pense qu’il est naturel que nous résistions à toute tentative d’organisation ou d’homogénéisation, car je pense que la liberté d’être différent est ce qui attire la plupart d’entre nous en premier. Évidemment, étant donné que j’écris ceci pour Witchvox et que je me suis servi d’internet pour dénicher des livres rares d’anciennes éditions, j’apprécie la nouvelle technologie. Des frictions entre les différents camps sont probablement inévitables quant à savoir quelle voie est la meilleure. Les gens auront toujours un avis sur la question. Cependant, nous avons également l’opportunité d’essayer différents modèles et de nous attacher à celui qui nous aura apporté la meilleure expérience.

Le fait que nous sommes de plus en plus mentionnés dans la culture populaire, dans des articles de journaux, des émissions de télévision, etc... continue à être à la fois positif et négatif. Même si personne ne connaît et ne connaîtra jamais notre nombre exact, il est sûrement croissant dans une certaine mesure, autrement personne ne nous accorderait la moindre attention. Certains d’entre nous choisissent de rester très discrets sur leurs croyances et pratiques religieuses, et d’autres luttent publiquement pour nos droits. Chacun d’entre nous arrivera à sa propre croisée des chemins et devra décider de ce que nous devons faire. Je suis plus optimiste qu’inquiet à propos de notre avenir, mais je garde un oeil sur toute sorte de développement qui pourrait nous affecter. Cela fait partie de nos crises de croissance.

Retrouvez les articles de Pan, en anglais, sur le site de Witchvox :

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