Nombre total de pages vues

jeudi 16 octobre 2014

Histoire de la beauté et des femmes de Lumières



Dès le début du XVIIème  siècle, on entend parler de la guerre des sexes ou « querelle des femmes. » La question de la place de la femme est bien dans les esprits. De nombreux textes la décrivent comme étant malicieuse, imparfaite, pleine d’excès et de diablerie. Au siècle des Lumières, la cruauté féminine l’emporte sur sa légendaire douceur. Le XVIIIème siècle que l’on nommera plus tard le « siècle des femmes », ouvre le débat très animé sur la raison des femmes. Les Lettres, les arts, la philosophie ou encore la médecine en débattent rudement. Comme nous l’a prouvé l’ouvrage écrit sous la direction d’Arlette Farge et Natalie Zemon Davis47, la femme est le lieu de tous les discours. Son énigme fascine les sciences et la médecine. Les femmes s’émancipent et montrent leur intelligence qui les fait échapper à leurs rôles traditionnels. Les « salons » s’ouvrent, le mouvement des précieuses, celui des femmes journalistes ou encore celui des prérévolutionnaires se mettent en marche.

Le sexe faible a le droit de penser et d’exprimer ses idéaux politiques, scientifiques et révolutionnaires. Mais l’égalité des chances n’est pas la même entre les différentes classes sociales. Pendant que les aristocrates allaient exposer leur point de vue aux « salons », les filles du peuple se rebellaient frôlant la criminalité, au risque de tomber dans la prostitution si, toutefois, elles étaient dotées de quelque beauté. L’époque du classicisme flotte entre idolâtrie et religion de la femme réparatrice et sortilège. Prostituée, criminelle, émeutière, sorcière sont les quatre figures qui marquèrent l’image du féminin entre les XVIème et XVIIIème siècles. D’après Sara F. Matthews Grieco la femme fut longtemps confondue avec son corps. La belle dame noble et mince du Moyen-âge, au petit bassin et aux seins hauts, fait place, dès la deuxième moitié du XVIème siècle, à un modèle plus enveloppé. Les hanches et les décolletés sont mis en valeur dans la mode jusqu’au XVIIIème siècle. Alors que les clercs des temps médiévaux voyaient en la beauté féminine la ruse du Malin pour manipuler les Hommes, la Renaissance florentine ne voit que ce qui est beau et bon. De ce fait par nature une belle femme sera obligatoirement dotée de bonté. Ainsi être beau devient non seulement un art mais aussi une nécessité, puisque la laideur est synonyme d’infériorité sociale. En Europe les règles esthétiques sont les mêmes : « […] peau blanche, cheveux blonds, lèvres et joues rouges, sourcils noirs. Le cou et les mains doivent être longs et minces, le pied petit, la taille souple. »

L’art du maquillage se libéralise même s’il est perçu comme altérant le visage de Dieu. Le corps doit être d’un blanc chaste et pur; couleur céleste de la lune. Mais les couches de fard forment parfois un véritable masque qui bloque les expressions du visage. « Castiglione, l’Aretin et Piccolomini ont tous critiqué la rigidité des emplâtres sous lesquels les femmes ressemblent à des « statues de bois » et ne « peuvent plus tourner la tête sans faire pivoter tout leur corps ». »

La « toilette » apparaît au XVIIIème siècle comme un évènement mondain où la femme est la figure centrale. Elle est portée en gloire comme un personnage public voué à la séduction dans l’esprit de la cour de Marie-Antoinette. A la fin du siècle s’achemine une nouvelle esthétique féminine, un retour vers le goût pour le naturel, la grâce et la simplicité. La beauté est mince, longiligne et surtout pâle. Le classicisme est partagé entre la nature et la culture. Le partage des rôles sexuels et ses dangers sont également au cœur des représentations du féminin. Enfin on aboutit pour Françoise Borin à une « Eve-Marie-Pandore » demandeuse de pouvoir politique. « […] Ce Miroir des femmes reflète quelques traits constants, cela malgré les différentes lectures possibles des images et des inflexions de sens que leur donnent les légendes. Dichotomie de l’image féminine : ange/diable, déesse/animal, vie/mort, Eve/Marie, c’est toujours aux extrêmes que se situe la femme, comme si une position moyenne, « normale » lui était refusée. »


Extrait de l’Essai : Relecture des multiples facettes du féminin sacré et profane par Marilyn RENERIC-CHAUVIN École Doctorale Montaigne Humanités

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire